le Volet 2 : la localisation des clubs de rugby en Suisse
Quarante-six ans après la création de la fédération suisse de rugby, comment ce sport s’est-il implanté sur le territoire ? Les chiffres disponibles sur le site de la fédération nous permettent d’établir les cartes suivantes : 1.l’ancienneté des clubs et 2.la densité associative par canton.
Que pouvons-nous déduire de cette géographie ?
À l’exception du canton de Zürich, les clubs de rugby les plus anciens se situent majoritairement à l’ouest du pays, là-même où s’observe la plus forte densité associative (minimum quatre clubs dans les cantons de Genève et de Vaud ). C’est également aux abords du Léman que le niveau de compétition est le plus élevé : les quatre clubs genevois, trois clubs vaudois, un zurichois se trouvent en Ligue A (LNA) du championnat suisse, à l’exception du Neuchâtel sport rugby club, tandis que les 23 autres évoluent en LNB ou LNC. On observe ainsi un effet corrélé entre ancienneté, densité et niveau de compétition avec une prépondérance des zones frontalières françaises et une inexistence dans certaines régions alémaniques.
Quels sont les facteurs explicatifs ?
Indéniablement, l’internationalité des grandes villes (Genève, Zürich, Lausanne) contribue à la naissance d’équipes. Nombreux sont les expatriés, mordus de ballon ovale, qui tentent l’aventure associative pour partager leur passion au sein de leur nouvelle communauté. On retrouve ici le rôle joué par les marins et émigrants dans la diffusion de ce sport britannique. ( Cf. Jean-Pierre Bodis, Histoire mondiale du rugby, Toulouse, Privat, 1987). Quelques fois, ce sont des Helvètes, conquis par ce sport collectif à l’étranger, qui prolongent l’expérience en fondant un club sur le sol national. Quant à cette concentration lémanique, elle s’expliquerait par la proximité géographique, économique et culturelle avec la France, nation historique du rugby. Le vivier de joueurs et d’entraîneurs qu’elle représente faciliterait certainement l’adoption de ce sport.
Un essai difficile à transformer
Pour autant, le déploiement du rugby en Suisse est laborieux. Au regard de l’histoire mondiale du rugby, l’antériorité d’autres sports justifierait en grande partie ce faible enracinement. Les sports les plus populaires de suisse que sont le hockey et le football (dont les fédérations datent respectivement de 1908 et 1895), constituent de sérieux rivaux pour l’essor de l’ovalie. En effet, cette concurrence inter-sportive n’existait pas dans les mêmes proportions dans les débuts du rugby anglais, australien, français ou encore néozélandais. D’ailleurs, Jean-Pierre Augustin note que ces derniers ont été conquis en « moins de quinze sans résistance ni compétition réelle avec d’autres sports ».
Faisant écho aux recherches d’Augustin, d’autres questions restent en suspens: quelle est la posture des pédagogues sportifs suisses vis-à-vis des sports collectifs de plein air ? Selon les cantons, les confédérés s’identifient-ils davantage à l’Allemagne qui s’est forgée dans les sociétés de gymnastique ou aux Anglais qui tentaient de former des caractères à partir des sports de plein air?
Enfin, quelle est la représentation de la virilité du rugby en Suisse ? Dans les années 1892, Pierre de Courbertin affirmait qu’un jeune rugbyman est « mieux préparé qu’un autre au match de la vie. » Comment résonne un tel propos dans un pays réputé pour son pacifisme et sa neutralité ?
Néanmoins, l’implantation du rugby n’est ni linéaire, ni rationnelle. En Aquitaine, outre la présence d’une colonie britannique active et bien insérée disposant d’infrastructures minimum, le rugby s’est surtout répandu grâce à son immersion dans le système éducatif. Il ne reste plus qu’à espérer que ce ballon pointu, si capricieux dans ses rebonds, finisse par atterrir plus durablement sur les vertes pelouses suisses, là où de nombreux bénévoles déploient de grands efforts pour le voir s’épanouir.